Les troubles attentionnels chez l’enfant
Fabrice PASTOR, neuropsychologue
“Il n’arrive pas à se concentrer”, “il se déconcentre dès qu’une mouche passe”, “il ne se concentre pas plus de dix minutes, c’est normal ?”, “on a l’impression qu’il écoute, mais il n’est pas là” : tous les parents ont dit ça au moins une fois. Ca n’est pas pour autant que leur enfant a un trouble de l’attention.
Fabrice Pastor nous a permis d’essayer de distinguer le normal du pathologique et nous a aussi aidés à trouver des astuces au quotidien pour aider les enfants présentant un Trouble Déficitaire de l’Attention avec ou sans Hyperactivité (TDA/H).
Un enfant présentant des difficultés attentionnelles n’est pas nécessairement TDA/H. Les TDA/H peuvent être inclus dans les troubles “dys” : ce sont des troubles développementaux, durables, sévères (c’est-à-dire que la différence à la norme est significative d’un point de vue statistique), ces troubles concernent un domaine spécifique ou plusieurs alors que les autres domaines sont préservés.
Un trouble diffère d’un simple retard scolaire : ce dernier est ponctuel et sera comblé par des aides extérieures et par l’amélioration de l’environnement, il ne sera pas dit “résistant” à une prise en charge.
A contrario, un trouble est pathologique, durable et dit “résistant” à une prise en charge.
Seul un diagnostic pluridisciplinaire pourra permettre de poser un diagnostic de TDA/H à partir de 7 ou 8 ans. C’est un neuropédiatre ou un pédopsychiatre qui posera le diagnostic éclairé par différents bilans : neuropsychologue, +/- orthophoniste, +/- orthoptiste, +/- psychomotricien, +/- psychologue.
Un trouble “dys” peut faire croire à un trouble attentionnel : par exemple un enfant dysgraphique (qui a un trouble du graphisme et ne peut que très difficilement former les lettres) utilisera toutes ses ressources attentionnelles pour former ses lettres, ce qui est supposé être une tâche automatisée et donc non coûteuse en ressources attentionnelles, et ne pourra donc pas fournir en plus les ressources attentionnelles pour se focaliser sur la signification de ce qu’il écrit. L’on pourra penser à un trouble attentionnel parce qu’une tâche de “bas niveau” (graphisme) monopolisera l’attention sur la signification (tâche de “haut niveau”). Si l’enfant est soulagé du graphisme (aides extérieures), il pourra alors accéder à la tâche spécifique de production d’un écrit ayant du sens, ce qu’il est capable de faire sans trouble attentionnel.
Néanmoins, un TDA/H peut être associé à un ou plusieurs troubles “dys” (dyslexie, dysorthographie, dysphasie, dysgraphie, dyspraxie…). On comprend donc l’importance d’un diagnostic pluridisciplinaire.
Les enfants TDA/H concernent, selon les études, de 6% à 9% de la population, avec un ratio de deux garçons pour une fille. Dans les formes inattentives, les symptômes seront les suivants : enfant “tête en l’air”, “dans la lune”, sensible aux interférences, ne démarrant pas une tâche facilement, difficultés à sélectionner les informations pertinentes, hypersensibilité sensorielle (comment faire le tri entre tous les stimuli perçus ?), enfant désorganisé (il oublie souvent des choses), difficulté à maintenir un effort, décode mal les messages verbaux et non verbaux. Cette forme est appelée Trouble Déficitaire de l’Attention : TDA.
A ces symptômes peut être associée une forme hyperactive, hyperkinétique : enfant qui bouge tout le temps, ne peut s’empêcher de remuer, de se lever, ne peut pas attendre son tour pour parler, a besoin d’explorer son environnement. Cette forme est appelée Trouble Déficitaire de l’Attention avec Hyperactivité : TDAH.
Dans 80% des cas, les enfants présentent une forme mixte : TDAH.
Attention : un enfant ayant certains de ces symptômes n’est pas nécessairement TDA/H. Le neuropsychologue fera toujours un premier bilan puis un second “re-test” pour évaluer à distance l’évolution ou non des troubles en fonction d’une prise en charge rééducative. Il conviendra également toujours d’éliminer d’autres causes possibles des troubles constatés de l’attention : dépression ou trouble “dys” monopolisant toute l’attention par exemple.
Le neuropsychologue rééduquera les aspects attentionnels. A cette rééducation peuvent être associées si besoin et en fonction des troubles éventuellement associés, des rééducations en psychomotricité, orthoptie, orthophonie, voire une prise en charge psycho-affective.
Comment pouvons-nous aider au quotidien nos enfants TDA/H à la maison ou à l’école pour renforcer le travail rééducatif ?
Fabrice Pastor conseille de proposer des règles écrites et affichées, d’instaurer des codes de conduite, de ritualiser le quotidien, de prévenir l’enfant à l’avance si le planning est changé, de déterminer chaque endroit de la maison, de proposer des temps apaisants (par exemple musique douce pour l’endormissement). Des temps de pauses ou “micro-pauses” sont nécessaires entre deux tâches (ranger les cahiers en classe par exemple). Un “timer” pourra être utilisé pour indiquer clairement visuellement le temps restant pour la réalisation d’une tâche. L’enfant pourra, à l’école, être placé plutôt au deuxième rang (pas trop près de l’enseignant pour éviter une situation anxiogène pour l’enfant mais assez près de l’enseignant pour favoriser son écoute).
L’on veillera à laisser le minimum de matériel sur le bureau. Le matériel scolaire pourra être présent en double à l’école et à la maison pour combler les oublis.
En s’adressant à l’enfant, il conviendra de chercher à capter son regard, de répéter les consignes et de ne donner qu’une consigne à la fois dans une phrase.
Pour cadrer le mouvement, on pourra laisser l’enfant se lever s’il en a besoin, lui proposer de distribuer des feuilles en classe ou de faire une tâche nécessitant de bouger à la maison.
De façon générale, il faudra orienter l’attention de l’enfant vers la bonne cible pour l’aider à trier les informations pernitentes, orienter son regard avec des couleurs, des pointages du doigt. Les supports visuels trop chargés ne seront pas indiqués afin d’éviter les distracteurs visuels.
A la maison, les parents pourront proposer des jeux visant à entraîner l’attention (type “Dobble”, “le Lynx”, les sept familles…), des jeux d’adresse et de précision (Mikado, croquet, perles à coller…), des jeux d’inhibition (“ni oui ni non”, “un, deux, trois, Soleil”…). Les activités sportives seront importantes.
L’utilisation de récompenses type gommettes, jetons accumulés permettant d’accéder à une plus grosse récompense au bout d’un temps donné pourra être proposée.
Les punitions ne sont pas à proscrire mais à utiliser intelligemment : une action pourra être “corrigée” par l’enfant (par exemple, nettoyer après avoir renversé son verre) ou “réparée” (par exemple, s’excuser et aider à réparer une mauvaise action). Si l’enfant est au sein d’un groupe, il peut être sorti du groupe. Enfin la méthode du “un, deux, trois” sera valable si le “trois” mène réellement à une punition.
Chaque enfant est unique et différent, l’adaptation de l’environnement sera indispensable dans le cas d’un TDA/H et seul un diagnostic pluridisciplinaire pourra conclure à un diagnostic de TDA/H. De façon générale, retenons que les capacités d’attention focalisée d’un enfant de primaire se situent autour d’une dizaine de minutes. Ces capacités croîtront avec le temps.
Laissons le temps à nos enfants !